Un livre intemporel à méditer : « Nous habitons la Terre » de Christiane Taubira

Christiane Taubira, Nous habitons la Terre, Ed. Philippe Rey, 2017, 160 p.

Nous avions salué, il y a un an, la publication des « Murmures à la jeunesse » de l’ancienne garde des Sceaux. Elle y développait une réflexion exigeante sur l’impérieuse nécessité, face au terrorisme, de rester fidèle à nos valeurs, à ce qui fait lien entre nous. Son nouvel ouvrage se situe dans la lignée du précédent. Mais ce n’est pas un livre de circonstance liée à l’actualité politique immédiate, c’est un livre littéralement intemporel qui nous parle du monde et de nous dans une langue maîtrisée, empreinte de rigueur et de lyrisme. C’est d’ailleurs ce qui fait son charme incomparable.

Christiane Taubira parle du tourbillon du monde, de ses guerres, de ses atrocités et de ses injustices, sans jamais céder au pessimisme. « Malgré ses fracas, ses mystères et ses verrues, assure-t-elle, ce monde est plein de promesses ». Cependant, elle n’ignore pas cette vérité essentielle que les promesses, pour s’accomplir, nécessitent des combats. « Nous savons, nous, écrit-elle, que tout ce qui survient et nous submerge et nous déroute est acte d’hommes, sans divination ni fatalité. Nous choisissons de ne pas y consentir ». La discorde est là, inutile de la nier. Le conflit existe, impossible de le refouler. Alors c’est dans les luttes que les hommes peuvent espérer réaliser leurs rêves.

Mais les mêmes qui veulent évacuer le conflit de l’histoire sont ceux qui travestissent les mots nécessaires pour comprendre le monde. Christiane Taubira reproche à la gauche d’utiliser un vocabulaire qui édulcore les réalités qui devraient légitimement nous indigner. « D’avoir cédé sur l’humanisme dans le vocabulaire, analyse-t-elle, de ne plus s’en réclamer, ne plus s’en inspirer ni dans la parole politique ni dans les programmes électoraux ni dans les controverses doctrinales, ne fait que révéler qu’elle (la gauche) a renoncé à penser la vie sociale ou à percevoir le monde, en première et ultime instance, sur le fondement de notre commune humanité ». L’exemple des réfugiés est significatif de cette incapacité à penser une réalité tragique, et donc à trouver les gestes et les initiatives en fidélité aux valeurs de solidarité et d’accueil que la gauche devrait porter.

Christiane Taubira s’indigne des accomodements de la gauche à l’injustice. Son cri est un appel à la conscience pour que conscience rime avec résilience, résistance, espérance. Loin des mensonges véhiculés par l’idéologie dominante, « il est temps de prétendre de nouveau ne pas s’accomoder d’un monde qui crache le mépris en même temps qu’il propage la misère, qui traite les injustices comme une variable de prospérité, fait de l’exclusion un quotient du progrès et du profit, de l’exploitation humaine un critère d’opportunité ». Les mots claquent comme des claques adressées à ceux qui ont renoncé à vouloir changer l’ordre dominant, c’est à dire à contester le désordre établi. « Il est temps de dire qu’il y a la possibilité d’une conscience du monde ». Cette conscience humaine est notre protection contre les dérives idéologiques, sémantiques et politiques qui nous entraînent insensiblement vers des situations dramatiques. Cette ainsi que Christiane Taubira affirme que gauche doit renouer avec sa véritable identité politique, en faisant de la justice sociale « la colonne vertébrale des politiques publiques », en reconsidérant la place des citoyens dans la démocratie, en faisant de la culture l’axiome de notre émancipation, en retissant des liens de solidarité internationale avec tous ceux qui souffrent et qui luttent, avec « tous les damnés de la terre ».

« Nous habitons la Terre ». Nous sommes donc rappelés à nos devoirs envers elle, envers ceux qui l’habitent. « Qui prendra en charge les causes qui languissent de nouvelles ardeurs ? « , s’interroge Christiane Taubira dans un vibrant plaidoyer pour l’action collective. « Ces causes et d’autres hurlent d’impatience. Elles nous convoquent au titre de la dignité humaine, inaliénable. Elles nous enjoignent de signer par l’action cette conviction simple et intemporelle : nous sommes égaux, et ce que font les hommes, ce sont les hommes qui le défont ». Voila un projet fédérateur et porteur de sens pour toutes celles et tous ceux qui ne se résignent pas à la fatalité de l’injustice, de la violence et de la guerre ! Christiane Taubira en est convaincue et signe sa conclusion d’une belle formule : « on ne peut vivre sans exaltation ». Car quiconque, en conscience, retrouve le sens de l’humanité partagée, sait qu’il n’aura de cesse d’agir en vérité pour que dans ce monde si défiguré subsiste une parcelle d’espérance.

 

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