Lors de la primaire citoyenne, au second tour, j’ai voté Hamon, bien que n’étant pas membre du parti socialiste. A la fois pour dégager Manuel Valls de la course à la présidentielle et pour soutenir un projet novateur à gauche. Hamon apportait un bol d’air frais dans cette campagne, notamment avec sa mesure audacieuse de revenu de base universel que je soutiens depuis longtemps. Son positionnement, en rupture avec le quinquennat de Hollande, avec la ligne majoritaire du PS et en faveur de la décroissance et de la transition écologique me semblait porteur d’un réel « futur désirable » permettant à la France de tourner la page du social-libéralisme.
Deux mois plus tard, je dois avouer ma déception concernant la campagne de Benoît Hamon. J’avais dit que je soutenais un projet, accessoirement un candidat et surtout pas un parti. Le projet de Benoît Hamon, depuis sa victoire à la primaire, a évolué. Tout particulièrement, sa mesure-phare, le revenu universel d’existence a été largement vidé de sa substance. Il n’est plus universel, il n’est plus inconditionnel. L’utopie créatrice a malheureusement laissé la place à un réalisme démobilisateur.
Benoît Hamon, malgré un accord avec les écologistes qui aurait pu dynamiser positivement les thématiques de sa campagne, a surtout cherché à ne pas trop déplaire à ses amis socialistes qui n’étaient pas sur sa ligne politique et économique. Ce faisant, il n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout de sa propre conversion idéologique et de son positionnement politique. Il est resté coincé dans les mailles du Parti socialiste qui, pourtant, ne fait pas véritablement campagne pour lui et lui glisse régulièrement des peaux de banane.
L’attitude de son premier secrétaire est d’ailleurs extrêmement ambigüe. Alors que les défections se sont multipliées et que plusieurs personnalités dont l’ancien premier ministre, ont pris position en faveur de Macron, il s’est seulement dit « attristé », et n’a pas appliqué la règle qu’il avait lui-même annoncé, à savoir des sanctions à leur encontre. La logique aurait voulu qu’il retirât les investitures aux candidats socialistes qui se sont prononcés pour Macron. Il ne l’a pas fait, montrant ainsi un double jeu déplorable qui rejaillit sur la campagne et l’image de Benoït Hamon.
J’ai dit que je soutenais un projet, accessoirement un candidat, surtout pas un parti. A gauche, l’autre projet est celui de la France insoumise. Je reconnais que j’avais des réserves vis à vis de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon qui a trop souvent joué dans le passé le rôle de « l’homme providentiel ». En faisant l’effort de l’écouter à plusieurs reprises dans ses meetings retransmis à la télévision, j’ai apprécié sa façon très concrète d’entrer en empathie avec ceux qui sont en souffrance dans notre société et de trouver les mots justes pour l’exprimer. De plus, il fait preuve aujourd’hui de davantage d’humilité dans ses propos qu’il y a quelques années, à l’époque du « bruit et de la fureur », ce qui le rendait réellement insupportable.
Mais au-delà du personnage auquel je reconnais des talents d’orateur incomparables et auxquels je suis sensible, je voudrais, sur un plan politique, expliquer les raisons qui me poussent aujourd’hui à faire un choix clair en faveur de la France insoumise, alors que j’étais dans le doute depuis plusieurs semaines.
La France insoumise, à la différence du candidat socialiste, n’est pas inféodé à un parti. J’ai quitté EELV il y a un an et demi, ce n’est pas pour aujourd’hui, à travers la candidature de Benoît Hamon, soutenir, malgré moi, un parti politique qui est largement responsable de la division de la gauche et d’une image de la gauche à l’opposé de ses valeurs fondatrices. J’ai fait le distinguo pendant plusieurs semaines entre le candidat, son projet et le parti auquel il appartient. Malheureusement, le réalisme commande de considérer que ce distinguo n’est plus possible et que le parti socialiste n’a pas changé avec la victoire de Hamon aux primaires.
Pour s’en convaincre, il me suffit d’observer ce qui se passe dans ma circonscription (6ème circonscription de la Haute-Garonne) où la candidate socialiste investie (par ailleurs conseillère générale…) est soutenue par un parti qui, localement, était majoritairement pour Manuel Valls lors de la primaire. Comble du cynisme, elle invite Christiane Taubira (dont j’ai récemment publié une recension de son dernier livre Nous habitons la terre) lors de l’inauguration de son local de campagne alors qu’elle est à mille lieux des valeurs et des combats de l’ancienne garde des Sceaux. Voir les responsables socialistes columérins qui ont fait campagne pour Valls distribuer aujourd’hui des tracts pour Hamon avec le logo d’EELV, alors qu’ici les écologistes sont leur bête noire, montre toute la duplicité des responsables de ce parti.
Je retrouve dans le projet de la France insoumise des thématiques auxquelles je suis attaché depuis longtemps : la mise en place d’une VIème République, la sortie des traités européens, la transition écologique, la sortie de l’OTAN et une politique de paix. De plus, Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat à s’exprimer sur la question animale, ce qui est très courageux de sa part. Pour moi, le fait que dans ses meetings, comme dans sa courte présentation introductive lors du débat télévisé, il ait abordé cette thématique est le signe d’une véritable conviction et d’un engagement sérieux en faveur des droits des animaux, un sujet oublié de la campagne des présidentielles, malgré la forte sensibilité de l’opinion à cette question.
Enfin, même si cela est plus anecdotique, Jean-Luc Mélenchon a eu le cran d’envoyer balader France 2 et son débat de dernière minute, ce qui a enclenché la « dynamique » de son annulation. La nouvelle République, c’est aussi celà. Remettre le pouvoir médiatique à sa juste place, alors que sa tendance naturelle est de prendre toute la place, de créer de la confusion et de l’amalgame, et de rabaisser la politique à un spectacle imbécile.
J’ai toutefois deux désaccords majeurs avec Jean-Luc Mélenchon dont le premier est commun avec Benoît Hamon : tout d’abord, la non remise en question de la dissuasion nucléaire, stratégie de défense dangereuse, coûteuse et inefficace. La possession de cette arme, symbole de la monarchie nucléaire de la Vème République, est incompatible avec l’instauration d’une nouvelle République, plus démocratique et plus pacifique. Je veux croire que les citoyens finiront par bouger sur cette question décisive après l’élection de Jean-Luc Mélenchon. Le second désaccord, c’est la réinstauration du service militaire. L’objecteur de conscience que je fus naguère ne peut accepter que la jeunesse soit à nouveau embrigadée dans les casernes pour apprendre l’obéissance inconditionnelle et le maniement des armes. On peut trouver autre chose pour que les jeunes soient utiles à leur société. Je parie cependant sur l’infaisabilité de la mise en oeuvre de ce projet, comme l’a bien montré Benoît Hamon qui y est opposé.
Je considère que le vote utile à gauche aujourd’hui, c’est le vote Mélenchon car il est le seul objectivement à gauche en capacité d’être au second tour. De plus, quand bien même il ne se qualifierait pas au second tour, un score important sera un marqueur décisif dans la recomposition de la gauche qui ne saurait se faire autour du parti socialiste. Le score de Benoît Hamon qu’il soit de 6% ou de 14%, finalement, ne servira à rien pour l’après présidentielle puisqu’il ne sera pas le chef d’orchestre du futur parti socialiste. Par contre, il risque d’empêcher le candidat de gauche le mieux placé aujourd’hui dans les sondages d’être au second tour.
Benoît Hamon serait bien inspiré, pour participer activement à la recomposition de la gauche, voire à la future majorité présidentielle de la France insoumise, de lâcher le parti socialiste et de se désister en faveur de Mélenchon. Ce geste exceptionnel serait la réplique nécessaire et politique à l’attitude déloyale de ses anciens amis qui ne l’ont pas soutenu et qui se sont orientés vers l’illusion Macron. S’il ne le fait pas, il perd tout. Car en cas de victoire de Macron, les députés PS (majoritairement pro-Valls) seront inévitablement la force d’appoint de sa majorité. L’élection présidentielle ne peut être dissociée des élections législatives où le parti socialiste a investi essentiellement des candidats qui ne sont pas sur la ligne politique de Hamon.
Pour toutes ces raisons, et avec les réserves que j’ai indiquées, j’apporte mon soutien au projet de la France insoumise et je vote Mélenchon le 23 avril.
Ping : La radicalisation des Insoumis(e)s – le canard du midi
Troll? L’auteur de cet article s’est très bien exprimé pourquoi vouloir salir d’un mot un homme porte parole d’un programme et qui représentait 4 millions d’électeurs ; et en 2012 peu en avait vraiment entendu parler.
Moi aussi c’est melenchon au premier tour et au 2eme, je suis aussi insoumis aux turpitudes capitalistes financières et n’ai pas peur d’une quelconque révolution surtout citoyenne, car in fine on sera des millions a reprendre goût de la vie ensemble.
Et on aura débarrassé le plancher d’une bonne centaines de gens en cravate (ou pas) et louches ==> redéfinition de la criminalité financière, enquêtes fisc approfondie, justice et prison + expropriation exceptionnelle de tout le fric des malhonnêtes qui ne contribuent pas a l’impôt comme tous les français (même tva pour les pauvres) ??
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Pourquoi vosu contentez vous d’un projet tiède, d’un idéal rogné, d’un programme peu ambitieux et pourquoi n’accordez vous pas un mot pour le NPA, son programme, son projet et son candidat ? Il s sont pourtant exprimés CONTRE le nucléaire CIVIL et MILITAIRE, eux, et bien plus concrets que La Mélanche rôdée aux démagogies politiques !!! Ex : le salaire universel, au lieu de promouvoir la baisse du temps de travail (même salaire, bien sûr). je suis très déçue, bien que partageant votre analyse concernant le PS et ses ressortissants, touz horizons.
Cordialement
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