François Hollande a signé, lundi 25 janvier à New Delhi, un protocole d’accord pour la vente de 36 avions de combat Rafale à l’Inde avec le premier ministre indien. Bien que la vente ne soit pas encore formellement acquise, c’était l’objectif principal de ce voyage. Dans les médias, il n’est question que de ce possible contrat bien juteux et les dirigeants français font tout leur possible pour qu’il se concrétise…
Encore une fois, la France se distingue par sa propension à exporter des armes de guerre aux quatre coins de la planète. Selon le journal L’Opinion, la France a battu tous ses records de ventes d’armes en 2015. Les prises de commande s’élèvent à hauteur de 16 milliards d’euros, ce qui est du jamais vu. « Grâce aux succès du Rafale en Égypte et au Qatar, écrit Jean Dominique Merchet, les ventes d’armes ont doublé en un an, alors que 2014 avait déjà un très bon cru. Au niveau international, la France devrait se classer à la deuxième ou troisième place, derrière les États-Unis, à quasi-égalité avec la Russie. » Cocorico ! Bien entendu, il n’y a aucun lien entre les ventes d’armes et le terrorisme qui nous frappe depuis plusieurs mois…
Nous avons déjà dénoncé ce qu’il faut bien appeler le déshonneur de la France. Pour le plus grand profit de ses industriels, la France vend des armes, y compris aux pays les moins recommandables sur le plan des droits de l’homme. Ce faisant, elle exporte la guerre et elle contribue à alimenter les conflits les plus sanglants sur cette planète. Et par conséquent le terrorisme. Nos dirigeants sont devenus des VRP de l’armement, sans complexe, mais aussi et surtout sans morale. Ce commerce de la mort fait honte à la patrie qui prétend encore hisser le drapeau de la fraternité universelle.
L’inde donc. Le pays de Gandhi, le libérateur de cet immense territoire de plusieurs centaines de millions d’habitants, jadis sous la coupe de l’Empire britannique. L’homme qui inventa une stratégie de libération de son peuple sans arme, sans violence, doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe. Une fois de plus sans doute… Car l’Inde, depuis fort longtemps, a tourné le dos à la non-violence initiée par ce « fakir à demi nu » selon le mot méprisant de Churchill. Certes, la statue de Gandhi est bien présente sur la plupart des places des villes et des villages de son pays ; certes l’homme est toujours vénéré comme un dieu par ses compatriotes. Mais les dirigeants de l’Inde, d’hier et d’aujourd’hui, ont depuis longtemps tourné la page de la non-violence et ont copié les pires travers de la civilisation occidentale, tant sur le plan économique que politique et militaire.
Alors je me plais à rêver que lorsque la France et l’Inde se rencontrent, ce serait pour rechercher des référents éthiques universels susceptibles de construire un nouveau monde, un monde libéré de la violence et de la guerre. Après tout, la France a défini il y a déjà plus de deux siècles l’idéal de la liberté, de l’égalité et de la fraternité comme l’horizon universel de notre humanité. Cet idéal qui nous fait toujours vibrer lorsque notre pays subit les coups meurtriers du terrorisme, il fait toujours vibrer les peuples opprimés, comme jadis l’Inde sous le joug britannique.
Mais pour être fidèle à cette promesse universelle qui éblouit par son audace les peuples opprimés, Gandhi a montré le chemin qui mène à sa réalisation, bien loin des représentations françaises de la révolution qui dévore ses petits et ceux des autres. Dans son combat, il a expérimenté de nouvelles méthodes pour résister et vaincre l’oppression coloniale. Sa stratégie de non collaboration mise en oeuvre à grande échelle visait à tarir les sources du pouvoir colonial. Celui-ci ne reposait en réalité que sur l’obéissance et la docilité du peuple indien. Il a su créer des rapports de force sur la base du pouvoir du peuple obligeant ainsi l’empire britannique à négocier et finalement à partir. Il a offert au monde une philosophie et une stratégie de la non-violence dont beaucoup de peuples au XXème siècle se sont inspirés pour se libérer des chaînes de l’oppression et de la tyrannie. Son message demeure plus que jamais universel et d’actualité. Mais en Inde, comme en France, la non-violence demeure comme une étrangère qui n’a pas obtenu la reconnaissance de ses immenses potentialités.
C’est pourquoi lorsque la patrie de l’inventeur de la non-violence et la patrie des droits de l’homme se rencontrent, nous serions en droit d’attendre autre chose qu’un vulgaire et déshonorant contrat d’armement qui ne fera que contribuer à alimenter encore un peu plus la culture de la guerre et de la violence sur notre pauvre planète. Nous serions en droits d’attendre un message d’espérance pour ce monde fatigué de la haine et de la violence.
Le monde a plus besoin d’espérance et de non-violence en effet.
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En cette triste journée de nouveaux attentats djihadistes si lâchement meurtriers à Bruxelles, plus que jamais, construire une culture de la non-violence solide, forte et déterminée est la seule issue pour l’Humanité.
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