L’inexorable déclin du Parti socialiste à Colomiers

cropped-dscf4231Colomiers, deuxième ville de la Haute-Garonne (35 000 habitants) après Toulouse, détient la particularité d’être dominée, sur le plan politique, par le Parti socialiste depuis plus de 70 ans. Cette domination a longtemps été sans partage et sans fausses notes notables. Jusqu’à ce 27 mars 2011, date de l’élection surprise de Patrick Jimena (EELV) aux élections cantonales face au secrétaire de la plus importante section socialiste de Midi-Pyrénées. Un séisme politique inattendu que rien ne laissait présager tant il paraissait inconcevable qu’un socialiste puisse perdre une élection dans ce type de scrutin.

Sur cette terre de gauche, où la droite fait de la figuration, ce sont les écologistes, pour l’essentiel issus du mouvement associatif et de réseaux citoyens, qui sont montés en puissance ces dernières années. Leur leader, Patrick Jimena, initialement par son activité professionnelle d’éducateur de rue, puis de directeur d’un club de prévention spécialisée sur la ville, a acquis en trente ans une incontestable notoriété et a fini par incarner les espoirs de nombreux columérins, lassés et dégoûtés par les pratiques claniques et clientélistes de la municipalité. Sa victoire aux élections cantonales de 2011 face au candidat socialiste fut une victoire de l’intégrité et de la probité contre l’esprit de clan et des pratiques peu recommandables. Elle a ouvert une brèche qui, depuis, ne cesse de s’élargir au point d’ébranler sérieusement une citadelle réputée imprenable. Aujourd’hui, un mouvement citoyen d’un nouveau type se développe et s’enracine dans cette ville largement urbanisée, bétonnée et quelque peu déshumanisée.

Les résultats électoraux de ces dernières années sont à cet égard particulièrement éclairants. Ils montrent incontestablement une spectaculaire et constante baisse du parti socialiste sur la ville de Colomiers.

En 2004, le maire socialiste (depuis 2001) est élu au premier tour conseiller général avec, sur Colomiers, un score sans appel de 56,35 % (7 291 voix sur 12 938 suffrages exprimés). Sept ans plus tard, le candidat socialiste désigné pour lui succéder obtient 41,12 % (4 150 voix sur 10 092 exprimés), soit une perte de plus de 3 000 voix. Il perdra au second tour face à Patrick Jimena qui l’emportera à Colomiers avec près de 300 voix d’avance (4 819 contre 4 551). En 2015, aux élections départementales, les candidats socialistes réalisent à Colomiers un score de 31,70 %, en chute de 10 % par rapport à 2011 (3 814 voix soit 336 voix de moins qu’en 2011, alors que la participation est en hausse de plus de 2 000 électeurs). Un score historiquement très bas. Ils n’auront toutefois aucune difficulté à être élus au second tour face aux candidats de droite, car le binôme Patrick Jimena / Elsa Galataud (EELV – FDG – Nouvelle Donne), malgré un score remarquable de 28,02 % à Colomiers, n’a pu se qualifier au second tour. En effet, il ne leur a manqué que 37 voix sur le canton pour passer la barre des 12,5 % des inscrits. En l’espace de 11 ans, aux élections cantonales / départementales, le PS a perdu 3 477 voix, soit une chute de 47,68 % !

Les élections municipales de 2014 ont également été révélatrices de la perte d’audience du PS local. En 2001 et 2008, la liste d’union de la gauche largement dominée par le PS (qui n’a toujours laissé que des miettes à ses « partenaires »…) avait été confortablement élue au premier tour avec respectivement 61,12 % (7 237 voix) et 67,23 % (9 266 voix). En mars 2014, la liste socialiste « Générations Colomiers » obtient 36,19 % au 1er tour (5 222 voix). Elle est concurrencée par deux autres listes de gauche : « Vivre mieux à Colomiers » (écologiste et citoyenne) avec 25,95 % (3 744 voix) et « La gauche rassemblée » (socialistes dissidents, Front de Gauche et citoyens) avec 12,63% (1 822 voix). L’addition des deux listes de gauche concurrentes au premier tour dépassait de plus de 300 voix la liste socialiste. Une première ! Leur fusion au second tour, malgré une incontestable dynamique, a échoué de très peu, la liste socialiste l’emportant finalement avec seulement 198 voix d’avance (sur 15 500 votants)… Et quelques pratiques douteuses qui ont fait l’objet d’un recours, toujours en appel aujourd’hui au Conseil d’Etat.

Une victoire électorale des socialistes certes, mais qui ne saurait masquer une véritable défaite politique. Pour la première fois dans l’histoire de Colomiers, une liste de gauche non socialiste (dans le cadre d’une triangulaire où la droite était présente) a failli déboulonner la majorité socialiste en place depuis des décennies. Malgré des moyens considérables mis en oeuvre pour « aller chercher les voix une à une » selon leurs propres termes, la liste socialiste n’a gagné que d’un cheveu. Pour la première fois, la majorité socialiste au conseil municipal est minoritaire sur le plan électoral (40 %) et c’est l’opposition, toutes tendances confondues, qui est majoritaire (elle représente 60%, dont 20% seulement pour la droite.). Pour la première fois, une véritable opposition de gauche (avec sept élus) est présente pour porter le fer au coeur du système municipal tout en étant force de proposition.

La déclin du parti socialiste à Colomiers constitue un tournant majeur sur une scène politique longtemps « sclérosée ». Je me souviens des sarcasmes de l’ex-directeur de cabinet du maire, aujourd’hui premier adjoint au maire, lorsque, interviewé dans La Dépêche du midi, j’avais osé utiliser ce terme de « sclérosée », quelques mois avant la campagne des cantonales de 2011… Il deviendra le directeur de campagne du futur perdant socialiste, tandis que je serai le directeur de campagne du futur gagnant écologiste… A cette époque, une défaite socialiste était inenvisageable et les socialistes racontaient partout que leur seul adversaire était la droite (bien qu’ils savaient parfaitement déjà où était le véritable danger…). Incontestablement, l’émergence d’une nouvelle gauche, écologiste et citoyenne, constitue l’autre fait marquant de la vie politique locale depuis quatre ans. Et cette nouvelle force politique a déjà porté des coups sévères à la forteresse socialiste.

Mais si la bête est sérieusement blessée, elle vit encore et elle peut encore mordre. Et elle mord. Parfois férocement et sans vergogne. Ainsi, durant l’entre-deux tours des élections municipales, elle a montré son vrai visage, n’hésitant pas à dénigrer outrageusement ses adversaires de gauche (les accusant, selon, d’être à la solde de l’extrême gauche ou bien de la droite la plus radicale), n’hésitant pas également à jouer sur les peurs (la ville serait rapidement au bord de la faillite financière en cas d’alternance). Elle a utilisé tous les moyens de pression dont elle était capable, notamment par le biais de milliers d’appels téléphoniques en direction des électeurs qui s’étaient abstenus au premier tour… Elle a cogné très fort, sans retenir ses coups, publiquement parfois, le plus souvent discrètement par l’intermédiaire d’individus dont c’était la mission sur le terrain, sur des candidats de la liste Vivre Mieux à Colomiers, et particulièrement sur la tête de liste, Patrick Jimena. Et bien sur, parce que c’est l’identité du système en place, elle n’a pas lésiné sur les promesses d’embauches et de logements aussi irresponsables que démagogiques. Au final, des pratiques bien peu républicaines, bien peu démocratiques, bien peu éthiques pour conserver, coûte que coûte, le pouvoir de la part d’une génération élevée et nourrie au biberon du socialisme municipal.

Le parti socialiste est touché, mais il gagne encore. De justesse aux municipales en 2014, mais aussi aux dernières élections départementales de 2015, où il a bénéficié (est-ce un hasard ?) de la concomitance le jour du scrutin départemental d’une élection municipale sur la ville de Pibrac qui a faussé sur cette commune les votes pour l’élection départementale et défavorisé les candidats de l’autre gauche, Patrick Jimena et Elsa Galataud, à qui il a manqué, rappelons-le, 37 voix pour se qualifier au second tour. Ce qui aurait certainement changé l’issue de l’élection au second tour…

Dans ce contexte où le parti historiquement dominant est de plus en plus rejeté, il est à remarquer que Colomiers n’échappe pas à la montée du Front National. Lors des deux derniers scrutins, les européennes et les départementales, le parti d’extrême droite a franchi la barre des 20%, des scores en forte augmentation, jamais atteints auparavant. Mais curieusement, ce sont à ces deux scrutins que le parti socialiste a fait ses plus mauvais scores : 22,41 % aux européennes, 31,70 % aux départementales. A Colomiers, il y a bien un électorat traditionnellement socialiste qui, écoeuré, en colère, vote aussi Front national. Cette montée du FN n’a cependant pas empêché l’excellent score des écologistes aux européennes (14,5 %) et surtout aux départementales (avec l’alliance du Front de gauche et de Nouvelle Donne) où Patrick Jimena et Elsa Galataud ont réalisé 28,02 % à 3 points des candidats socialistes. Le meilleur score de la région dans cette configuration d’une alternative citoyenne et écologiste. La droite, elle, reste systématiquement derrière (13,5 % aux européennes, 23 % aux municipales, 20 % aux départementales) et ne constitue pas une menace sérieuse pour la ville de Colomiers.

La seule alternative, crédible et possible, qui se construit et s’implante, est à gauche. Une autre gauche, écologiste, démocrate, citoyenne, solidaire et de progrès, loin des combinaisons et des diktats des appareils politiques. Une gauche à la fois rebelle et responsable, imaginative et pragmatique qui exprime à sa façon le renouveau tant attendu. Cette nouvelle gauche, incarnée aujourd’hui par le mouvement « Vivre Mieux à Colomiers », en quelques années seulement, a réussi l’exploit d’ébranler un parti socialiste largement dominateur qui a enfin trouvé sur sa route un adversaire politique digne de ce nom. Colomiers, dans les années à venir, pourrait bien encore réserver quelques surprises de taille…

3 réflexions au sujet de « L’inexorable déclin du Parti socialiste à Colomiers »

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  3. Domi

    Oui Alain, comme tu dit: « La seule alternative, crédible et possible, qui se construit et s’implante, « est »…………../………..  » (DOIT ÊTRE), écologiste, démocrate, citoyenne, solidaire et de progrès, loin des combinaisons et des diktats des appareils politiques. »…
    je ne te suit pas sur le terme « gauche, gauche…, que toi, moi, nous, eux, …, revendiquions personnellement et/ou socialement, que nous sommes de « gauche » je partage a l’infini, mais permet-moi de te demander ou questionner: l’air que nous respirons!!! est-il de droite ou de gauche? les rivières qui arrosent nos prairies et autres jardins, cultures que nous mangeons! sont-elles de D. ou de G.? la terre que nous partageons, est-elle blanche ou noir, de droite ou de gauche?
    NON, nous ne pouvons pas réclamer que l’ECOLOGIE soit ‘que’ de gauche! simplement elle est TRANSVERSALE, elle sera se que nous feront TOUS-TES ensemble, plus ou mois sociale: /…citoyenne, solidaire…
    OUI, ce contrat, /… crédible, alternatif, solidaire, citoyen… ne peux être construit qu’avec eux… les citoyens-nés, a lors OUI a un contrat SOCIAL et ÉCOLOGIQUE point!
    Oui, nous les écolos (eelv) nous pouvons écrire, dire, (avec nous!) inviter d’autres forces a nous rejoindre, que sans eux, nous ne pourrions jamais prendre les rennes d’un exécutif, a lors OUI avec eux, OUI au tour deux, LES CITOYEN-NÉS, et… programme, programme, programme avec eux … SOCIAL et ÉCOLOGIQUE, point.
    OUI,… NOUS POUVONS !!!
    Amistat
    Domi

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