La France participe à la militarisation de l’espace

Le Président de la République était à Toulouse hier pour assister à un exercice de simulation militaire spatial à l’échelle européenne. A Toulouse, car c’est là qu’est basé le nouveau commandement militaire de l’espace, inauguré le 8 septembre 2019. Cet exercice appelé « AsterX » s’inscrit dans la stratégie spatiale de défense de la France. Mais il faut nommer les choses par leur nom : la France participe à la militarisation de l’espace par des choix clairement assumés depuis 2019.

Le 25 juillet de cette année-là, la ministre des Armées, Florence Parly présentait la nouvelle stratégie spatiale de défense de la France, annoncée quelques jours plus tôt par le président de la République. Celui-ci avait affirmé que « nous protègerons mieux nos satellites, y compris de manière active ». Il s’agissait clairement d’envoyer un signal fort à la communauté internationale en annonçant que la France voulait devenir un acteur spatial capable de repousser des attaques ennemies. Ce discours faisait suite à une initiative de l’Inde en mars de la même année. Ce pays avait détruit un de ses propres satellites par un tir de missile, comme la Chine avant elle, ce qui avait suscité un certain émoi.

Tous les observateurs avaient souligné que ces annonces constituaient un tournant dans la stratégie militaire de la France. Un nouveau commandement militaire de l’espace, basé à Toulouse, a été créé et intégré à l’armée de l’air qui deviendra à terme l’armée de l’air et de l’espace. Les objectifs de ce nouvel appareil français sont clairement de se donner les moyens militaires de riposter à toute attaque dans l’espace. « Identifier, caractériser les actes inamicaux ou hostile dans l’environnement de nos satellites, poursuivre le développement de nos moyens d’appui aux opérations, protéger nos moyens spatiaux et décourager nos adversaires d’y porter atteinte », précisait Florence Parly. Ainsi, les satellites des générations suivantes seront dotés d’armements (mitraillettes et lasers) afin de pouvoir riposter. Des nanosatellites guetteurs disposés autour des satellites stratégiques seront également équipés de charges armées. Pour parvenir à ces objectifs, la ministre de la Défense a annoncé une modification de la loi de 2008 sur les opérations spatiales afin que le ministère des Armées prenne la main sur les activités spatiales, qui étaient jusqu’alors sous la tutelle du Centre national d’études spatiales (CNES).

Ce faisant, la France entend investir l’espace qui devient de plus en plus un champ de manoeuvres militaires, tout en affirmant vouloir respecter le Traité de l’espace de 1967 qui interdit les armes de destruction massive. Certes, mais le Traité, toujours en vigueur, parle clairement de « l’utilisation de l’espace pour le bien de tous les peuples » et « à des fins pacifiques ». Le jour de la cérémonie de signature de ce traité, le président américain Johnson déclarait au monde que l’humanité venait « d’empêcher que le virus de la guerre ne se propage » au cosmos. A l’opposé de l’esprit de ce traité, le ministère des Armées a précisé, à l’occasion des annonces de Florence Parly, que « ce traité n’exclut pas la légitime défense, n’interdit pas la militarisation, ni l’arsenalisation ».

Après la terre, la mer et l’air, l’espace est devenu un nouveau milieu militaire, prolongement des tensions et des conflits terrestres. Tout cela aura un coût : 700 millions d’euros d’ici 2025 qui s’ajoutent au 3,6 milliards d’euros déjà prévus pour le spatial dans la loi de programmation militaire 2019-2025. Qui s’en émeut ? Personne… La France dépense (gaspille…) toujours plus en faveur de l’armement. La loi de programmation militaire 2019–2025, adoptée par le Parlement en juin 2018, prévoit de consacrer 295 milliards d’euros à la défense. L’objectif annoncé du président de la République est de porter les dépenses de défense à 2% du PIB en 2025, soit 50 milliards d’euros par an, contre 34,2 milliards en 2018. Pour y parvenir, la loi prévoit une hausse annuelle de 1,7 milliards d’euros par an jusqu’en 2022 et envisage de passer à 3 milliards d’euros par an à partir de 2023. Ces chiffres astronomiques ne manquent pas d’interroger… Et pourtant, c’est dans l’indifférence générale, y compris des mouvements sociaux, que ces budgets faramineux sont votés, sans véritable débat démocratique.

La visite d’Emmanuel Macron à Toulouse n’avait d’autre but que de « montrer ses muscles spatiaux » à ses homologues étrangers… Cet exercice de simulation s’inscrit dans le cadre d’une politique militaire tournée vers la course aux armements et non vers la désescalade. Au-delà des questions de défense, l’espace offre désormais une nouvelle opportunité pour l’industrie de l’armement. Car en la matière, et depuis très longtemps, la technologie précède et finit pas supplanter la stratégie qui s’élabore au gré des innovations scientifiques et non pas des besoins réels de la défense.

La France, au contraire, devrait tout faire pour ne pas contribuer à la militarisation de l’espace. Elle pourrait notamment s’engager à élargir la portée des traités existants afin que l’espace soit préservé de toute ingérence militaire et garde son caractère scientifique et pacifique. Mais la France a encore montré hier qu’elle ne prend toujours pas le chemin d’une politique de paix active à l’échelle internationale.

2 réflexions au sujet de « La France participe à la militarisation de l’espace »

  1. LETERRIER

    Merci Alain,
    La « raison d’Etat » reste le paravent obscur et non légitime aux futurs crimes commis en son nom.
    La recherche obsessionnelle de sécurité continue à être le moteur principal de l’armement, et des futures guerres.
    En oûtre, s’agissant d’espace, de telles procèdures vont contribuer encore plus à en faire encombrement et poubelle.
    Amitiés, Michel L

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