Après le rassemblement à la République contre le racisme et les violences policières : le pouvoir du peuple

Les images extraordinaires de la foule rassemblée place de la République samedi, alors que tout rassemblement demeure interdit, témoignent d’une aspiration profonde de la jeunesse des quartiers, et plus largement des forces vives de ce pays, à la justice, à l’égalité des droits, à la dignité, au refus du racisme, de l’intolérance, de la violence, de toutes les violences. Il a fallu d’ailleurs les images de “l’internaute 94”, spécialiste des actions cascadeuses, qui a décroché la banderole infâme de Génération identitaire, pour réaliser l’ampleur du rassemblement, minimisé par les grands médias. Ce ne sont pas 15 000 personnes, comme annoncé par la Préfecture de Paris, mais bien plus de 100 000 qui étaient pacifiquement réunies dans une même exigence de dignité contre les discriminations raciales et sociales.

Cette foule, c’est le peuple qui se lève dignement pour défendre les droits des exclus, les droits des populations issues de l’immigration, les droits des jeunes sans avenir, droits aujourd’hui piétinés par un pouvoir néo-libéral autoritaire qui ne tient plus que par sa police. Face à ce peuple, depuis deux ans, ce pouvoir oppose les interdictions de manifester, les répressions policières disproportionnées, les blessures et les mutilations de centaines de manifestants, souvent jeunes, par des armes de guerre, mais également impose et instaure une société de contrôle et surveillance toujours plus attentatoire de nos libertés. De fait, dans ce pays-là, le peuple ne peut plus respirer. Il n’en peut plus de subir les humiliations, les inégalités et les violences d’Etat. Encore une fois, hier à Paris, face à la foule immense rassemblée, le pouvoir a misé sur le jeu dangereux de la violence. Les manifestants, contenus sur la place de la République, ne pouvant défiler jusqu’à l’Opéra, ont dû essuyer des tirs de gaz lacrymogènes, sans aucune autre raison que de créer de la confusion et de la violence. 100 000 personnes sont réunies dans le calme, et les forces du désordre établi, sous les ordres d’un préfet qui ne peut supporter que le peuple brave son interdiction de manifester, tentent de salir ce magnifique rassemblement pacifique. Salir ce qui est beau, voilà l’ultime arme de tous les pouvoirs d’Etat qui savent parfaitement que la force du peuple est irrésistible quand elle s’exprime de façon aussi massive, déterminée et pacifique. Face aux casques et aux matraques, aux lacrymos et aux armes mutilantes, il ne reste plus au peuple que la force de la non-violence active. Sur ce point, les paroles d’Aïssa Traoré étaient sans ambiguïté. Aux armes de la police bien présentes, elle oppose l’arme du courage. “Ils avaient les armes aujourd’hui, a-t-elle déclaré. Nous avons l’arme la plus puissante, c’est de ne pas avoir peur”. Une bien belle vérité, validée par l’histoire. Les murs de Berlin, les murs de la ségrégation raciale, les murs de tous les anciens régimes sont tombés, lorsque le peuple, surmontant sa peur légitime, a décidé de dire non et de se soulever massivement. Nous savons depuis La Boétie et son magistral Traité de la servitude volontaire, que la force des régimes injustes et des tyrans repose sur la résignation, la passivité et le silence complice des citoyens dociles et soumis. Briser cette servitude, prendre la parole, débusquer les mensonges du pouvoir, entrer en résistance sociale et civique, défier le pouvoir si nécessaire par la désobéissance civile, restent la seule voie pour agir de façon éthique, responsable et efficace, sans rien céder à la haine et la violence. Ce pays est à un tournant. La ligne de fracture entre les tenants du monde d’avant et ceux du monde d’après peut s’élargir encore si les forces de la violence, de tous côtés, l’emportent sur celles de la raison et de la paix. Les injustices raciales et sociales qui sont à la source des maux que nous vivons doivent désormais trouver une réponse politique à la hauteur de la gravité de la situation. Pas de paix sans justice. Les mesurettes ne suffiront donc pas. Transformer le système économique et politique qui engendrent ces injustices devient une nécessité vitale. Seul le peuple uni peut imposer au monde politique cette transformation par la puissance de sa mobilisation et de sa détermination. Le peuple veut respirer. Il n’appartient qu’à lui de desserrer les forces de la mort qui l’étreignent. 

“Étouffez toutes les haines, éloignez tous les ressentiments, soyez unis, vous serez invincibles. Serrons-nous tous autour de la République en face de l’invasion, et soyons frères. Nous vaincrons. C’est par la fraternité qu’on sauve la liberté”. (Victor Hugo)

2 réflexions au sujet de « Après le rassemblement à la République contre le racisme et les violences policières : le pouvoir du peuple »

  1. zebriete

    Bonjour Alain,

    Merci de nous partager tes réflexions. Je suis dans un tgv et je lis ton dernier texte sur la grande manifestation parisienne de dénonciation des violences policières. Or je ne suis absolument pas d’accord avec toi! Curieusement, il y a dans ton discours un mélange de romantisme et d’idéalisme révolutionnaires, et de populisme par nature manichéen et démagogique. Tu voudras bien m’excuser de la violence des mots employés mais je n’en trouve pas d’autres.

    Nous savons depuis longtemps que l’utilisation de moyens non-violents ne suffit pas à Installer de la non-violence. L’extrême-droite aussi sait utiliser ces méthodes! Voir, comme tu le fais, dans ces rassemblements anti-violences policières et anti-racisme policier des rassemblements non-violents exemplaires et forcément « dans la vérité », me parait du domaine du rêve ou du volontarisme idéologique. Car un des moteurs de ces rassemblements, c’est aussi la rage. Et parfois même cette « haine » dont parlait déjà si bien en 1995 le film de Mathieu Kassovitz! Tout ce qui se produit en ce moment en écho aux violences policières contre les Noirs aux Etats-Unis est tout à fait passionnant et en capacité de provoquer d’heureuses évolutions, mais c’est néanmoins très complexe. Surtout, la souffrance et le désarroi policiers sont complètement ignorés par ton analyse. Or c’est une des données essentielles de la situation.

    Par ailleurs, s’il n’y avait ce manque de prise en compte des policiers, ton discours ou sont mélangés la répression des gilets jaunes et les mesures de coercition sanitaire certes discutables mais pas forcément volontairement liberticides, on pourrait penser que ce discours est un discours d’extrême-droite, en tout cas un discours complotiste! J’en suis très trouble et inquiet. Il y a longtemps, aussi, que je suis conscient que extrême-gauche et extrême-droite sont deux sœurs jumelles aussi dangereuses l’une que l’autre. De grâce, épargne-nous une « non-violence » du même genre! Partout où il y a de l’idéologie, partout il y a de la mort.

    Fraternellement:

    Christian

    Envoyé de mon iPhone

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    1. alainrefalo Auteur de l’article

      Bonjour Christian
      Je suis surpris de ta lecture qui ne correspond pas au fond de ma pensée. Loin de moi, toute non-violence qui serait idéologique et donc manichéenne. Dans les limites d’un tel article, la complexité des situations ne peut être prise en compte. Qu’il y ait de la rage dans ces rassemblements, je ne le nie pas, mais ce n’est pas en soi négatif. Si cette rage peut s’exprimer de façon canalisée et constructive, elle devient alors un moteur pour l’action non-violente. L’avenir n’est pas écrit et je ne l’idéalise pas bien au contraire. Je pense que les forces de la violence, de tous côtés, gagnent du terrain. J’ai voulu voir dans ce rassemblement autre chose en germe.

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