Dans quelques jours, le principal syndicat national des professeurs des écoles et des instituteurs, le SNUIPP, devrait lancer une consigne d’arrêt de la mise en oeuvre des Activités Pédagogiques Complémentaires (APC). Cette consigne de résistance pédagogique sera donnée lorsque le compteur des 35 000 engagements individuels à ne plus faire l’APC sera atteint (sur le site : http://findesapc.snuipp.fr/ ). Et il sera atteint d’ici peu…
Pour comprendre le sens de cette initiative, il faut revenir aux années Darcos-Chatel, c’est-à-dire en 2008. Cette année-là, le ministre Darcos supprime deux heures de classe obligatoires hebdomadaires et impose la mise en place de » l’aide personnalisée ». Ce dispositif est destiné aux élèves en difficulté afin de leur proposer deux heures de soutien, gratuit, avec l’autorisation des parents puisqu’il se situe en dehors du temps de classe obligatoire. Dans le même temps, le ministre démantèle les fameux RASED (Réseau d’Aide Spécialisée pour les Enfants en Difficulté) et vend à l’opinion publique un dispositif qui veut montrer que l’école fait des efforts pour les élèves en difficulté. L’aide personnalisée, déconnectée du groupe-classe, vient se substituer à l’aide spécialisée, ce qui constituait une véritable régression.
Dans le même temps, le ministre imposait la semaine de quatre jours, c’est-à-dire quatre journées de classe de 6 heures auxquelles il fallait ajouter une moyenne d’une demi-heure par jour pour l’aide personnalisée. Les écoliers français avaient la journée de classe la plus longue d’Europe et les élèves en difficulté devaient en plus subir deux heures de classe hebdomadaires supplémentaires !
Dès sa mise en place, ce dispositif a suscité une résistance pédagogique inédite au sein des professeurs des écoles. Le mouvement des enseignants-désobéisseurs du primaire est né du refus d’être complice d’une mascarade pédagogique qui visait à supprimer 5 000 postes d’enseignants du RASED et à caporaliser les professeurs des écoles dans une obéissance sans discernement en leur imposant un dispositif en trompe-l’oeil. Toutes les études, y compris ministérielles, réalisées entre 2009 et 2012, ont finalement conclu à la totale inefficacité de l’aide personnalisée. La désobéissance pédagogique était bien légitime et elle fut massive durant l’année 2009.
Les Activités Pédagogiques Complémentaires (APC) sont apparues en 2013 avec la disparition de l’aide personnalisée. Ce nouveau dispositif est intégré dans les 108 heures annualisées des obligations de service des enseignants, en dehors donc des heures obligatoires de classe. Il correspond à 36 heures de classe avec un petit groupe d’élèves, soit une moyenne d’une heure par semaine (le plus souvent deux fois une demi-heure sur la pause méridienne). Aujourd’hui, les enseignants du primaire font 24h de classe par semaine et 3h de service en moyenne hebdomadaire comprenant les diverses réunions de concertation, les animations pédagogiques, les conseils d’école et les APC.
En réalité, les 108 heures annualisées sont largement dépassées et aucune heure supplémentaire n’est bien entendu rémunérée. Les APC, dans cette configuration, s’avèrent une surcharge de travail inutile. La majorité des enseignants (81%) considèrent d’ailleurs qu’elles sont inefficaces et surtout trop fatigantes pour les élèves en difficulté.
Le ministère a raté une occasion au mois de juin dernier lorsqu’il a présenté un nouveau décret sur les obligations de service des enseignants du primaire. Il a confirmé les APC dans les 108 heures malgré l’opposition de la plupart des syndicats. Ainsi, dans le même temps qu’il reconnaît la lourdeur de la charge de travail des enseignants (une moyenne de 43 heures de travail par semaine !), il n’a pas saisi cette occasion pour supprimer les APC et donner davantage de temps disponible aux enseignants pour travailler en équipe les difficultés scolaires.
Alors dans quelques jours, le principal syndicat des professeurs des écoles lancera le mot d’ordre d’arrêt des APC sur la base de 35 000 engagements individuels à suivre cette consigne. Il s’agit certainement d’une première. Cette consigne syndicale nationale couvre bien évidemment les enseignants qui s’engageront individuellement ou collectivement dans cette action de boycott. Nous avons gagné la fin de l’aide personnalisée par la résistance pédagogique ouverte, je suis persuadé que nous gagnerons la fin des APC par l’action collective syndicale.
Je salue donc l’initiative du SNUIPP qui vient à point nommé. Les inégalités qui se creusent à l’école, soulignées par de nombreux rapports, méritent des réponses appropriées pour permettre aux enseignants de travailler avec davantage de marge de manoeuvre. En l’absence de réponse institutionnelle, il appartient aux enseignants de prendre des inititatives qui ne pénaliseront pas les élèves, mais qui, au contraire, leur seront bénéfiques. Notre métier, de plus en plus complexe, doit évoluer. Les enseignants qui ont montré dans les années 2008-2012 leur capacité de résistance, leur refus d’appliquer des dispositifs inappropriés pour les élèves en difficulté, veulent garder la main sur leur métier pour imaginer et mettre en place, en équipe, les meilleures solutions pour une école du progrès pour tous.
Un manifeste contre les APC que nous ne pouvons évidemment que suivre, et cela sans hésitation. Cela nous rappellera l’époque de notre résistance à des réformes abscondes qui se sont aujourd’hui malgré tout diluées dans notre Ecole.
Restons vigilants et ne lâchons rien!
Coopérativement, François Le Ménahèze
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