« Trop classe ! », un ouvrage sur l’école dans le 9-3 qui décoiffe…

0203161Elle est comme ça Véronique Decker, brut de décoffrage… Pour qui l’a côtoyée ou simplement entendue parler, ça déménage et on n’est jamais déçu du voyage… A 58 ans, la directrice de l’école Marie-Curie à Bobigny, dans la cité Karl Marx, publie un recueil de ses chroniques, écrites au coeur d’une école dite « Freinet » dans la banlieue parisienne.

Elle le dit dans son introduction, « je ne suis pas réputée pour mon habitude de me taire »… Et d’emblée, elle prévient : « j’ai toujours beaucoup aimé enseigner en Seine Saint-Denis ». Ce n’est donc pas un énième livre de lamentations sur la difficile condition enseignante, mais un livre de combat pour une école plus juste, ce qui prend une résonnance toute particulière dans ce département que d’aucuns jugent maudit. Et en 31 ans de carrière dans le 9-3, elle en a vu passer des instits « qui restent deux ans et qui écrivent des livres »… Elle, c’est avant de partir, qu’elle a voulu nous raconter ses histoires.

56 chroniques, 56 courts textes trempés dans l’encre de ses révoltes, de ses doutes et de ses espoirs. Des souvenirs, des anecdotes, des instants d’une vie d’école qui, depuis plusieurs années, subit en plus le bruit des pelleteuses et l’odeur de la poussière du quartier en rénovation. Pas d’optimisme béat ici, mais beaucoup de pragmatisme dans le vécu des situations, parfois drôles, parfois tragiques, mais toujours très humaines tant elles en disent long sur le quotidien d’une école du département le plus sinistré de France. Au fil des pages, c’est tout simplement l’exigence d’une éthique de solidarité que défend Véronique. Chaque jour, chaque journée d’école, est un combat, raconté à sa manière : caustique, ironique, humoristique. Vraie.

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Véronique Decker à la librairie Terra Nova à Toulouse le 17 mai

Du courage, elle en a Véronique. Pour défendre les enfants Roms qui peuplent son école, pour qu’ils aient un toit où dormir la nuit, pour affronter les mille tracas du quotidien, les imprévus, les agressions verbales ou physiques, les renoncements de l’Etat, la déliquescence des services sociaux, le découragement justement. Et sous Sarkozy, en 2008, elle n’a pas hésité avec de nombreux collègues de son département et au-delà, à désobéir aux dispositifs scélérats qui entérinaient la disparition des RASED (Réseaux d’aide aux enfants en difficulté), mais aussi au fichage informatisé des élèves. « Lorsque les règles et les lois sont injustes, écrit-elle, dangereuses, il est toujours bon de résister, de désobéir, de s’insurger ».

Dans un style alerte, Véronique Decker nous raconte ses tranches de vie d’école. Pas pour nous donner des leçons, ce n’est pas son genre, mais pour nous aider à nous questionner et donc à ne pas nous voiler la face sur la réalité de l’école dans ces territoires où tout semble se déliter. Car ce qu’elle voit, ce sont des souffrances qui se multiplient, mais aussi des pathologies nouvelles chez les enfants, symptomatiques d’un effondrement social qui vient. Interviewée dans le Café pédagogique, elle a ses mots terribles, mais certainement lucides : « on se heurte à l’indifférence et au repli. Chacun pense qu’il peut s’en sortir seul. J’ai l’impression que la guerre arrive. Qu’on va vers le désastre. Rien n’est fait pour nous sauver. Ce n’est pas l’ascenseur social qui est en panne mais le plancher social qui est troué. »

Je ne peux que vous inviter à lire « Trop classe ! » et remercier encore Véronique de nous avoir fait partager, comme un signal d’alarme, ces moments particuliers d’une vie d’école dans le 9-3.

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