Notre Dame des Landes, Sivens : Manuel Valls, l’attiseur de violence

manuel-valls-gouvernement-combatJeudi 16 octobre, lors des questions au Sénat, le premier ministre a affirmé à propos de l’aéroport de Notre Dame des Landes : « ce projet nous le soutenons, il se fera », assurant que « l’Etat ne cèdera jamais face aux intimidations d’une minorité d’individus ultra-violents ». Droit dans ses bottes, il a ajouté : « notre pays est un Etat de droit. Une fois que la justice a tranché, ces décisions doivent être mises en oeuvre et le gouvernement ne peut pas accepter qu’une minorité d’opposants radicalisés fassent obstacle à l’intérêt général et à l’application des décisions de justice ».

Ces déclarations sont totalement irresponsables. Sans surprise cependant. Elles se situent dans la lignée des déclarations précédentes, notamment celle plus récente traitant de « voyous » les salariés et syndicalistes d’Air France. Ainsi, monsieur Valls, à quelques jours de l’anniversaire de la mort de Rémi Fraisse, continue d’attiser les tensions qui créent un climat de violence potentielle sur le terrain des luttes écologiques. Il sait parfaitement concernant Notre Dame des Landes qu’il ne s’agit pas d’une « minorité d’opposants », mais d’un mouvement citoyen de grande ampleur qui s’oppose depuis des décennies à ce projet inutile et destructeur d’aéroport. Il sait parfaitement que l’intérêt général n’est pas la première des justifications de cet aéroport qui va précisément à l’encontre des impératifs écologiques d’aujourd’hui et donc de l’intérêt général.

Mais le premier ministre, grand amateur de tauromachie, ce qui en dit long sur les valeurs réactionnaires et anti-humanistes qu’il porte, tel un matamore, a toujours besoin de surjouer son autoritarisme. Manuel Valls est l’archétype de l’homme de pouvoir, qui, faute d’idées, d’ambitions et de courage politique, ne cesse de montrer les muscles pour ne jamais subir la pire accusation qu’il pourrait subir, celle de « laxisme » face aux contestataires de toutes sortes. Il ne supporte pas ces écologistes qui agissent par la désobéissance civile et qui osent occuper illégalement des sites destinés à des projets aussi grandioses qu’inutiles. Face à de tels mouvement, la réponse d’un véritable état démocratique est dans le dialogue avec les opposants et dans la recherche de compromis, et non pas dans l’abus de pouvoir par des méthodes répressives qui blessent et mutilent sérieusement les manifestants, souvent jeunes. L’Etat de droit, monsieur Valls, ce n’est pas l’abus de la force, c’est le respect des valeurs qui fondent notre vivre ensemble.

Lors de la répression extrèmement violente de la ZAD de NDDL en octobre 2012, Cécile Duflot, alors ministre du logement, avait interpellé le ministre de l’intérieur de l’époque en ces termes : « Vas-y, tue ou un deux manifestants pour montrer que tu es fort !  » Dans cette répartie cinglante, tout était dit sur l’obsession de Manuel Valls à montrer son « autorité », sa « force ». En réalité, elle révélait un grand signe de faiblesse. Lorsque les mots manquent pour convaincre, il reste la violence et ses abus pour tenter de contraindre. Malheureusement, le drame devait survenir deux ans plus tard, à Sivens, où Rémi Fraisse est mort victime d’un déchaînement de violences de l’Etat policier, alors que rien ne justifiait la présence de forces de l’ordre sur le site, à l’occasion du rassemblement du 26 octobre 2014.

En réalité, le logiciel idéologique du premier ministre ne lui permet pas de comprendre l’essence du mouvement d’opposition à l’aéroport de NDDL comme au barrage de Sivens qu’il réduit aux actes de violence des zadistes. Certes, il ne s’agit pas de cautionner le choix de la violence dans ces luttes, y compris face à une répression d’Etat totalement disproportionnée et criminelle. D’autant que sur ce terrain là, les zadistes qui utilisent la violence ont tort, tant sur un plan éthique que stratégique. La capacité de violence de l’Etat sera toujours supérieure à la capacité de violence des zadistes. Ils sont malheureusement tombés dans le piège de la violence tendu par l’Etat qui a toute sa part de responsabilité dans l’irruption des violences contestataires. On ne redira jamais assez que ces violences sont le meilleur allié du pouvoir qui les utilise pour criminaliser la contestation, y compris non-violente.

Heureusement, le mouvement zadiste ne saurait se réduire à cette violence là et surtout pas à une « minorité d’individus ultra-violents » selon l’expression détestable du premier ministre. L’occupation de la ZAD, tant à NDDL qu’à Sivens, c’est également une multitude d’initiatives et de projets d’éco-construction, d’habitats légers, de maraîchages, de solidarité, de coopération qui montrent une jeunesse créative, qui s’implique, tout en prenant des risques personnels et collectifs. Personne ne peut rester indifférent à ce vaste mouvement alternatif, positif, innovant, qui construit autant qu’il conteste. Personne, sauf Monsieur Valls, systématiquement dans le mépris face aux militants écologistes et qui préfère focaliser sur les casseurs, pourtant minoritaires, mais opportunément très médiatisés.

L’autoritarisme et la violence sont les deux faces de la médaille portée fièrement par Manuel Valls. Bien à rebours des idées de progrès et de gauche qu’il devrait incarner en tant que premier ministre d’un gouvernement qui se dit de « gauche », Valls se réfugie dans les valeurs de l’ordre, du tout sécuritaire et au final du pouvoir qui abuse de ses prérogatives. Avec un tel premier ministre, on est bien loin de l’Etat de droit qu’il prétend défendre. « Manuel Valls propose une synthèse libérale autoritaire alors que la modernité est démocratique et écologiste ». Ces propos si justes de Cécile Duflot, après son départ du gouvernement, montrent tout le fossé qui sépare ce premier ministre des valeurs de la gauche et du progrès. En vérité, c’est un homme du passé, avec des méthodes passéistes qui devra rendre compte d’un sacré passif…, au premier rang duquel la préférence de l’ordre à la justice, de la sécurité à la liberté.

C’est sous son gouvernement qu’est mort un jeune homme de 21 ans, Rémi Fraisse, à l’occasion d’un rassemblement écologiste contre le barrage de Sivens. Il a été tué par une grenade offensive alors qu’aucune menace sérieuse à l’encontre des gendarmes ne pouvait justifier l’utilisation d’une telle arme ou munition de guerre dont les derniers éléments révélés par Reporterre montrent qu’elle a été utilisée lors d’un assaut. Un tel drame lors d’une lutte écologiste n’était plus arrivé depuis la mort de Vital Michalon, à Malville en 1977 où l’Etat nucléaire, militaire et policier avait démesurément réprimé une manifestation anti-nucléaire. Dans cette affaire, Manuel Valls a toujours soutenu l’action des forces de l’ordre et de son ministre de l’intérieur. Quoiqu’il arrive, même le pire, il est toujours du côté des policiers et des gendarmes qui ont forcément bien travaillé. En réalité, sur ce point, rien, strictement rien ne le distingue de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, puis président de la République. Comme le dit le politologue Thomas Guénelé, « Manuel Valls et Nicolas Sarkozy ont en commun une posture bonapartiste de chef martial et autoritaire. » Son maître en socialisme n’est pas Jaurès, le défenseur des ouvriers et des exploités, mais Clémenceau, « le Tigre ». Son admiration pour « le premier flic de France » qui réprima férocement les grèves ouvrières au début du XXème siècle laisse songeur…

A quelques jours de l’anniversaire de la mort de Rémi Fraisse, il est bon de rappeler les responsabilités du premier ministre dans l’exacerbation des tensions sociales et des violences. Son vocabulaire, dans ses propos récents, est révélateur d’une conception de la politique qui n’a rien à envier aux idéologues et aux hommes politiques de la droite traditionnelle. Il emprunte à cette famille politique ses pires travers autoritaires pensant être davantage crédible auprès de l’opinion publique toujours plus sensible aux sirènes de l’ordre et de la sécurité. Ce disant et ce faisant, il attise la violence au lieu de s’efforcer de la déminer. En jouant avec le feu, le pompier pyromane prend le risque de propager les incendies.

5 réflexions au sujet de « Notre Dame des Landes, Sivens : Manuel Valls, l’attiseur de violence »

  1. le lay

    Moi aussi je suis très perplexe sur cette histoire de camion , Comme par hasard la veille de l’installation d’un nouveau projet sur la zad! Il est temps d’ouvrir les yeux et de lutter contre les » infiltrés du pouvoir »qui décribilisent le mouvement et créent les situations conflictuelles. Les ailes pour l’ouest vont même jusqu’à animer des réunions sur nndl avec des « anti-zad » proches des thèses du FN. Moi j’habite nndl et je soutiens totalement ces jeunes sans qui nous aurions déjà du béton à la place de notre beau bocage. La lutte continue!

    J’aime

    Répondre
  2. Jallier

    les Zadistes tombés ds le piège de la violence? Pas si sûr… Enquêtons d’abord pour savoir si tout ce qu’on raconte est bien vrai, moi ça me paraît cousu de fil blanc et ça me rappelle un autre fait divers, sur une soi-disant agression, en fait montée de toutes pièces pour alimenter l’imagerie du « zadiste dangereux »….qu’il faudrait vite évacuer!
    Avouons-le, cette histoire de camion dépouillé tombe à pic pour les pro-aéroport, non?

    J’aime

    Répondre
  3. quelneuc56

    Plutôt que de parler de violence, notre 1er Ministre serait mieux inspiré de réfléchir (mais le peut il?) et de constater qu’il y a un abime entre son discours et ses actes. Les investissements inutiles et destructeurs ne rendent service, ni à l’homme , ni à l’humanité. La nature le lui prouve chaque jour, mais il ne voit rien. Ce ne sont ni ses outrances verbales, ni ses gestes tremblants tellement à l’opposé du ZEN qu’il prétend être qui le lui démontreront… mais, hélas, il sera trop tard.

    J’aime

    Répondre
  4. Michel Leterrier

    Qui donc se comporte en homme dangereux ?
    celui qui par sa position de pouvoir apparent, veut imposer une légitimité décrétée ?
    ou celui qui exprime son désaccord sur cette force imposée ?
    La violence institutionnelle dont se sert l’homme politique est celle qui coupe toute communication, voire la nie, la dénie à celui, qui pourtant l’a porté au pouvoir…
    Dialectique historique du maître et de l’esclave… dont une civilisation,
    prétendument éclairée aurait dù depuis longtemps déjà se départir.

    J’aime

    Répondre

Laisser un commentaire