Hommage de Colomiers à Jean-Marie Muller – Journée internationale de la non-violence

20221001_112042[1]Lors la journée internationale de la non-violence, le réseau Citoyens pour la paix et la ville de Colomiers organisaient un hommage à Jean-Marie Muller, à l’occasion du déplacement de la plaque qui lui est dédiée, dans le parcours de la non-violence, au cœur de l’allée piétonne du Centre. A cette occasion, ont pris la parole, Hélène Dupont et Alain Refalo pour Citoyens pour la paix, et Laurence Cazalis, maire-adjointe, au nom de la maire de Colomiers. Chaque 1er samedi du mois, les Citoyens pour la paix se rassemblent en cercle de silence, pendant une heure, autour du totem de Gandhi, en soutien aux sans-papiers enfermés au Centre de rétention de Cornebarrieu, et en solidarité avec les migrants.

Samedi 1er octobre 2022 – Colomiers (31)

Hommage à Jean-Marie Muller

Alain Refalo, réseau Citoyens pour la paix

La ville de Colomiers s’honore de rendre un hommage à Jean-Marie Muller, à l’occasion de la Journée internationale de la non-violence. Que la municipalité soit chaleureusement remerciée d’être au côté des Citoyens pour la paix en cet instant. C’est probablement la première commune à prendre une telle initiative depuis le décès de notre ami en décembre 2021.

La phrase qui avait été choisie en 2008 par les Citoyens pour la paix de Colomiers pour honorer le penseur et le militant que fut Jean-Marie Muller, et qui est aujourd’hui présentée sur cette façade, illustrait tout particulièrement la véritable signification de la non-violence. La non-violence nous invite à déconstruire les murs, les murs de l’intolérance, de la haine, de l’exclusion, de la violence, elle nous invite à construire des ponts. A relier plutôt que délier. A rassembler plutôt que désunir. A tendre la main plutôt que fermer les yeux. C’est dans cet esprit que chaque 1er samedi du mois des citoyens columérins affichent leur solidarité avec les sans-papiers enfermés à Cornebarieu et avec les migrants qui frappent à nos portes.

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C’est au Liban où il s’est rendu à de nombreuses reprises à l’invitation d’organisations de défense des droits de l’homme que JM Muller a forgé cette pensée. Dans ce pays, meurtri par de multiples guerres civiles, il a rencontré des femmes et des hommes qui ne voulaient pas se résoudre à la fatalité de la violence. Des femmes et des hommes, dans un environnement particulièrement hostile, avaient le courage de lutter avec les armes de la non-violence pour construire un Liban pacifié où toutes les communautés pourraient s’accepter et se respecter. Ils avaient fait le choix de déconstruire les idéologies de la haine qui portent toujours la violence et la guerre dans leurs gênes. Et c’est au Liban qu’a été fondée il y a dix ans la première Université académique de la non-violence dans le monde arabe, avec le soutien et la participation de Jean-Marie Muller.

Si Jean-Marie Muller est connu et reconnu comme un important théoricien de la non-violence et de l’action non-violente, auteur de près d’une quarantaine d’ouvrages, dont plusieurs ont été traduits à l’étranger, il faut souligner qu’il était aussi un homme engagé, un militant au sens propre du mot. Car la non-violence , et c’est essentiel, n’est pas un idéal désincarné que l’on trouve dans les livres. Il disait souvent que c’est à partir des violences existantes, au cœur des conflits humains, que l’on pouvait imaginer et rechercher des solutions pragmatiques, réalistes pour sortir de la logique désespérante de la violence. Comme toutes les grandes personnalités de la non-violence, comme Martin Luther King dont l’effigie nous contemple, ce n’était pas un rêveur. C’était un acteur conscient des immenses pesanteurs culturelles qui dominent nos existences, et qui nous laisse penser que la violence serait un droit de l’homme, un choix inévitable et soit disant réaliste. Jean-Marie Muller nous a montrés en pensée et en acte que le réalisme et l’efficacité était du côté de la non-violence. En 1974, il est l’un des membres fondateurs du MAN (le Mouvement pour une Alternative Non-violente) qui a permis à la non-violence de s’exprimer sur le terrain social et politique.

On ne peut parler de Jean-Marie Muller sans évoquer le rôle que son œuvre a aussi joué dans notre Histoire récente. Ainsi, son ouvrage Stratégie de l’action non-violente, publié en France en 1972, a été par la suite traduit en polonais, et cet ouvrage est devenu le manuel de base du syndicat Solidarnosc et de la résistance civile du peuple polonais dès 1981, résistance qui elle-même, par effet de contagion a influencé les résistances des sociétés civiles d’Europe de l’Est en 1989, aboutissant à la chute du Mur de Berlin, sans qu’aucun coup de fusil n’ait été tiré.

Dans le monde arabe, où il se rendait souvent pour des conférences et des formations, en Irak, en Syrie, en Palestine, au Liban, où ses livres étaient régulièrement traduits, publiés, diffusés parfois dans la clandestinité, ses travaux sur la non-violence et la résistance non-violente ont fait leur chemin. Avec d’autres, ils ont contribué, là aussi, à orienter les mobilisations des peuples arabes dans la voie de la non-violence en 2011, entraînant la chute des dictateurs. Faire le choix de la non-violence dans la lutte, c’est aussi signifier publiquement qu’on ne veut pas ressembler à ceux qui nous oppriment et que l’on veut construire une société démocratique avec les armes de la démocratie.

Aujourd’hui, comme en écho à ces mobilisations que je viens d’évoquer, les femmes iraniennes se lèvent et affrontent courageusement les idéologues obscurantistes. C’est la force de la non-violence et son pouvoir également que d’assécher les sources du pouvoir du tyran, pouvoir qui ne repose, comme La Boétie l’avait démontré il y a plus de 400 ans, sur la résignation, la passivité, l’obéissance et la soumission du peuple. La non-violence offre à tout le peuple, et non pas seulement à une minorité masculine, la capacité d’agir, de résister, de se défendre, et au final, très souvent, de vaincre, même si la victoire n’est jamais acquise d’avance, ni définitive. Ce fut la force de la lutte de Gandhi en Inde que de mobiliser les femmes et les hommes, à égalité, pour la première fois, dans un combat non-violent contre la domination britannique et pour l’indépendance de son pays.

Aujourd’hui, encore, nos regards se portent vers ceux qui, en Russie, refusent la conscription, refusent l’enrôlement obligatoire dans une armée de conquête coupable de crimes contre l’humanité en Ukraine. Ces objecteurs de conscience et ces déserteurs sont l’honneur de la Russie. Car c’est toujours la même histoire. Il suffit de relire Tolstoï pour comprendre que c’est la même histoire qui recommence. L’histoire des tyrannies, des nationalismes, des militarismes qui creusent le tombeau des peuples. Mais le sens de l’histoire, la vérité de l’histoire, et c’est tout le message de Jean-Marie Muller, elle est du côté de celles et ceux qui ne résignent pas à l’injustice, de celles et ceux qui refusent de cautionner les crimes d’une armée de conquête. Elle est du côté de celles et ceux qui luttent avec les armes de la non-violence.

L’œuvre de Jean-Marie Muller qui a apporté des clarifications décisives et définitives sur la non-violence demeure un phare dans un monde empli de violences et de non-sens ; elle nous invite à devenir chacune, chacun, actrice et acteur d’un monde qui veut se libérer de la culture de la violence, culture qui domine nos civilisations et qui n’enfante que destructions, malheurs et désespoir. D’où l’urgence affirmée par l’ONU dès 1997 de promouvoir partout une culture de la non-violence, notamment pour les enfants du monde.

L’éducation à la non-violence, qui est inscrite en France dans les programmes scolaires, c’est ce que les Citoyens pour la paix ont voulu promouvoir en créant il y a presque 20 ans le Centre de ressources sur la non-violence, basé à Colomiers. Jean-Marie Muller était présent lors de notre assemblée constitutive. On ne compte plus le nombre de fois où il est venu dans notre ville pour des conférences, des formations, des temps d’échanges qui nous ont encouragés dans nos projets et nos réalisations. Il était bien naturel que Colomiers le remercie.

En rendant cet hommage aujourd’hui à Jean-Marie Muller, nous voulons témoigner notre reconnaissance pour son œuvre immense, mais nous voulons aussi contribuer à prolonger son espérance en devenant actrice et acteur d’un monde sans guerre, sans haine et sans violence. Un monde où la fraternité, la solidarité et la paix ne seront plus un rêve, mais une réalité. Je vous remercie.

Une réflexion au sujet de « Hommage de Colomiers à Jean-Marie Muller – Journée internationale de la non-violence »

  1. Laborde Françoise

    Bravo et merci pour cette cérémonie d’hommage à Jean-Marie Muller et ces 3 belles prises de paroles en cette période où la non-violence est plus que jamais nécessaire… Avec mon regret de ne pas avoir pu être à vos côtés hier.
    Françoise Laborde

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